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Paru sur Culture-RH.com

Les 6 principaux challenges RH liés à la croissance des effectifs

J’ai la chance d’avoir travaillé et de travailler encore avec des clients en croissance.

Bien sûr, chacun d’entre eux avait son contexte propre mais de façon générale, j’ai identifié (au moins) 6 enjeux RH à prendre en compte impérativement lorsque l’on souhaite appréhender cette croissance avec un temps d’avance.


Le métier de DRH évolue en fonction de l’effectif de la société.

Lorsque votre société a une croissance progressive, vous avez le temps d’anticiper les évolutions de votre feuille de route et d’adapter votre organisation.

Et parfois, la croissance peut s’avérer rapide, très rapide, trop rapide même, et vous risquez de rentrer dans un mur, car vous n’aviez pas vu le virage des changements imminents au niveau de la Gestion des Ressources Humaines.

Nous allons, ensemble, éviter cette sortie de route et recenser les grands challenges liés à une forte croissance des effectifs, afin de faire évoluer les pratiques RH d’une PME (à partir de 10 salariés) vers celles d’un ETI (à partir de 250 salariés).

Après vous avoir exposé une anecdote contextuelle, nous étudierons les évolutions de la politique RH au travers de 6 thématiques que sont les relations individuelles, les relations collectives, le recrutement, le SIRH, la communication et le budget.

Anecdote : la prise de conscience d’un CEO.

Contexte.

Camille est CEO d’une société qui emploie 70 Agents d’Entretien dans le secteur du nettoyage spécialisé, ainsi qu’une équipe de fonction support de 15 salariés.

Suite à une belle opportunité de croissance externe, couplée au développement de son activité, cette société prévoit d’employer plus de 200 agents d’entretien d’ici 2 ans.

Camille, à ce stade, n’imagine pas les impacts de cette croissance d’effectif sur le pilotage de sa société, car selon ses dires,  “gérer 70 agents ou 200 agents c’est pareil, ils font tous le même métier, et nous sommes experts dans ce métier”. 

Dans son esprit, cette croissance se traduit par une augmentation de la charge administrative et du nombre de recrutements. Heureusement que leurs processus sont rodés.

Analyse.

Camille représente les directeurs pour qui la fonction RH est purement opérationnelle et ne participe pas aux décisions stratégiques. Son habileté à développer son affaire, gérée comme une grande famille, a compensé l’absence de l’existence d’un service RH en tant que tel. La partie administration du personnel et paie est rattachée au Responsable Financier avec l’aide d’un cabinet comptable, le recrutement est géré par le Responsable Opérations, et les aspects légaux par un conseil juridique. 

Camille ne se préoccupe pas de politique RH (poli quoi ?) car son bon sens est son meilleur allié. Jusqu’au jour où, au détour d’une conversation informelle, un expert bienveillant de Culture RH lui expose les risques auxquels sa société s’expose du fait de cette croissance : Camille réalise qu’il y a une partie immergée de l’iceberg, et que l’appui d’un spécialiste RH s’impose.

Le cas de Camille est loin d’être unique. Personne ne lui jette la pierre, et les réflexes RH ne sont pas innés. Nous vivons une époque où la fonction RH est en pleine transformation et prend une place de plus en plus stratégique. Mais ce n’est pas encore la norme, notamment au sein des PME. 

Qu’est-ce que cette personne bienveillante a exposé à Camille ? 

Mettons de côté les impacts sociaux et légaux d’une croissance externe. Dans cet article nous allons nous concentrer spécifiquement sur les enjeux RH globaux liés à la croissance de l’effectif. À commencer par le plus visible, celui de la gestion des femmes et des hommes, en tant qu’individus.

Enjeu n°1 : la multiplication des relations individuelles.

Plus l’effectif d’une structure augmente, plus il y aura de situations individuelles à gérer. Par situation individuelle entendons : 

  • Des demandes personnelles telles que “je veux passer à 80%” ou “mon neveu cherche un stage”.
  • Des réclamations telles que “il manque une prime sur mon bulletin de paie”.
  • Des procédures disciplinaires et éventuellement des risques Prud’hommes.
  • Des demandes d’évolution, de départ, de promotion.

En parallèle, plus l’effectif augmente, plus il y aura d’équipes et de managers, chacun avec leur personnalité et leurs pratiques.

La gestion des situations individuelles peut s’avérer chronophage pour les managers ou/et la fonction RH, mais aussi source de frottement pouvant détériorer le climat social.

Pour éviter ces écueils, il est nécessaire, a minima, de normer les grands principes de gestion administrative RH afin de ne pas créer un précédent par demande :

  • Ces principes sont identiques pour l’ensemble des salariés pour garantir un traitement équitable et des réponses cohérentes.
  • Ces principes sont connus et partagés, afin d’anticiper des demandes individuelles, d’éviter leurs affluences auprès des managers ou des représentants RH.
  • Ces principes doivent être fiables, afin de consolider une confiance réciproque et d’éviter d’ouvrir une brèche aux mécontentements.

Une fois la gestion administrative et paie sécurisée, la même logique devra être appliquée aux autres dimensions de la fonction RH. 

Normer et créer des processus est nécessaire, mais ces normes et ces processus seront amenés à évoluer dans le temps. Les organisations doivent savoir s’adapter et se repenser pour perdurer. Et ces changements passent souvent par la négociation collective.

Enjeu n°2 : la complexification des relations sociales. 

Le Comité Social et Économique (CSE).

Partons de l’hypothèse que le CSE existe déjà. Vous savez donc que, à défaut d’accord, le nombre de sièges à pourvoir au CSE dépend de l’effectif (Article R2314-1). Plus l’effectif de la structure augmente, plus il y a d’interlocuteurs au niveau du dialogue social.

D’autre part, plus l’effectif de la structure augmente, plus il y aura d’attente des salariés envers leurs élus, donc plus la pression sera grande sur ces derniers, et donc sur l’employeur. 

L’enjeu est donc d’embrasser cette potentielle complexité, la comprendre, connaître ses interlocuteurs, être réactifs et proactifs, y consacrer du temps, afin de préserver un dialogue social de qualité, et d’éviter les conflits sociaux.

Enfin, au-delà d’un certain seuil d’effectif, des commissions spécifiques doivent être mises en place, en supplément des réunions ordinaires du CSE. Par exemple, lorsque l’entreprise franchit le seuil des 300 salariés, elle doit mettre en place une commission de formation (Article L2315-49).

Délégué syndical (DS) et négociations.

Votre entreprise a peut-être déjà un ou plusieurs DS. Ou pas.

Les relations avec les DS peuvent être saines et constructives, comme tendues et conflictuelles. Ou elles peuvent osciller entre les deux. Quoi qu’il en soit, la relation avec un DS est complexe pour des raisons objectives, notamment liées aux enjeux de négociations collectives dont ils sont les interlocuteurs privilégiés.

Plus l’effectif de la structure augmente, plus la possibilité d’avoir des désignations de DS est grande. Et plus il y a d’interlocuteurs autour de la table des négociations, plus cette dernière est complexe. 

De fait, la nomination d’un DS déclenche l’obligation d’ouvrir les négociations sur différents thèmes dont la rémunération et l’égalité professionnelles femmes/hommes. À cela s’ajoutent des thèmes de négociation supplémentaires lorsque l’on franchit des seuils d’effectifs (Article L2242-13).

Organiser les thèmes de négociations et leurs périodicités via un accord d’entreprise permet d’apporter de la sérénité et de la fiabilité dans le pilotage du dialogue social, et de s’orienter dans les méandres du droit du travail.

Obligations légales.

Le droit du travail français est dense, il est facile de passer à côté de certaines obligations par ignorance ou par oubli. À cela s’ajoutent les différentes réformes qui bousculent régulièrement nos acquis en la matière.

Faire un audit sur ses obligations légales et conventionnelles permet d’identifier quels sont les écarts à combler, de les évaluer en termes de risques, et de prioriser les actions à mener. 

À noter que plus une entreprise grandit, plus l’Inspection du travail ou les acteurs du réseau de l’Assurance Maladie (CARSAT, CRAMIF)  ont de probabilité de venir vous rendre une visite spontanée ou au travers d’une réunion CSE. 

Suite à une telle visite, un Inspecteur du travail pourra vous demander formellement de mettre en place un certain nombre d’actions correctives, dans un délai donné. En termes de dialogue social, à vous d’évaluer si vous préférez mettre en place des actions car l’Inspection du travail vous les a demandées, ou si vous préférez prendre les devants. Cela aura un impact sur la communication auprès des représentants et des salariés.

Enjeu n°3 : la maîtrise d’une communication uniforme.

Politique RH.

Suite à l’annonce de perspectives de croissance, le moment est venu de prendre du recul pour (re)travailler sa feuille de route en matière de Ressources Humaines. En effet, il n’est plus possible de naviguer à vue, il est nécessaire de structurer une vision.

Si vous êtes novice dans cet exercice, il s’agit de définir les différents chantiers et leurs objectifs, ainsi que le fil conducteur de valeurs qui vous guidera dans ces chantiers. On peut l’appeler feuille de route, modèle RH ou politique RH, peu importe, tant que ça existe. 

Cette politique RH ne sera pas gravée dans le marbre. Elle accompagnera les enjeux organisationnels, et évoluera donc de façon agile en fonction des projets.

Elle sera enfin un vrai support de communication interne.

Pratiques managériales.

Plus il y a de managers dans une société, plus il y a de pratiques managériales différentes.

Dans un contexte de croissance, l’accompagnement des managers est un impondérable. En effet, ils sont la colonne vertébrale de la communication auprès des collaborateurs. 

C’est au travers de leurs discours et actions que se décline une grande partie de votre politique RH.

L’adhésion des managers à la politique RH est donc une clé de réussite, notamment en période de changement. Elle est également nécessaire à la juste circulation de l’information descendante et ascendante.

Pour créer cette adhésion, vous pouvez vous appuyer sur des moyens tels que :

  • Instaurer des pratiques managériales saines et communes via de la formation.
  • Animer des ateliers de co-construction sur des sujets RH.
  • Encourager l’esprit d’équipe grâce à des teams building.

Marque employeur.

Après avoir clarifié votre politique RH et son déploiement grâce aux relais managériaux, vous avez déjà quelques bases pour déployer votre marque employeur.

En survol, il s’agit des moyens que vous choisissez pour marketer et communiquer sur votre politique RH. 

Les 2 axes qui reviennent le plus souvent sont :

  • L’expérience collaborateur : que mettre en place pour fidéliser vos collaborateurs ?
  • L’expérience candidat : que mettre en place pour attirer des nouveaux talents ?

Enjeu n°4 : la fiabilisation du recrutement et de l’intégration. 

La croissance à venir des effectifs signifie qu’il va y avoir de nombreux postes à pourvoir. En premier lieu, vous devez vous assurer que les recruteurs internes soient bien formés au recrutement. Il s’agit en effet d’une expertise à part entière.

Pour chaque type de poste à pourvoir, vous avez besoin de réfléchir à une stratégie de recrutement :

  • Quelles sont les compétences et l’état d’esprit recherchés ?
  • Doit-on se faire accompagner d’un prestataire ?
  • Quel sourcing ?
  • Créer un assessment center est-il pertinent ? 
  • Faut-il mettre en place des sessions de recrutement collectives ?
  • Quel processus de sélection ?

De même, le parcours d’intégration doit être formalisé pour chacun des métiers recrutés, et le nouvel arrivant doit le suivre jusqu’au bout. 

Plus ces étapes sont qualitatives et préparées en amont, moins il y aura de turn-over.

Le turn-over est en effet inévitable lors de recrutements/intégrations de masse. Le cas échéant, il vaut mieux se sur-staffer afin d’éviter de se retrouver en sous-effectif. 

Vous recrutez et intégrez des équipes qui construiront le futur de votre entreprise. Pour cette raison, n’hésitez pas à investir, a minima en temps, sur ces sujets. Vous pouvez aussi investir dans des outils pour vous structurer.

Enjeu n°5 : la mise en place de SIRH.

Même si vous jouez sur EXCEL comme Jimmy Hendrix joue de la guitare, vient un moment où EXCEL a ses limites. 

Nous n’inventorierons pas ici l’ensemble des outils SIRH qui existent dans notre métier, mais nous prenons conscience de l’existence de tels outils pour simplifier le quotidien des RH, des managers et des équipes.

Plus l’effectif d’une structure augmente, plus il y aura de données à traiter. À l’ère du big data et du digital, les SIRH sont incontournables pour gagner en efficacité et en fiabilité. À chaque révision de processus RH, il est donc important d’explorer la pertinence de la mise en place d’un SIRH ou l’adéquation de celui qui existe déjà. 

Si vous passez par un prestataire SIRH externe, cela vous permettra également de vous assurer de votre conformité légale. 

Bien sûr ces implantations et développements d’outils ont un coût. Il faut le confronter aux gains qu’ils vous apporteront, et les intégrer à l’exercice budgétaire.

Enjeu n°6 : le pilotage de la masse salariale.

Avec l’augmentation de l’effectif, la masse salariale se retrouve de plus en plus sous focus.  

Il est primordial de la piloter, et de savoir expliquer ses variations/évolutions. C’est une telle manne financière qu’il ne faut pas la laisser dériver.

Pour ce faire, vous pouvez créer un budget. Les équipes Finance et/ou Contrôle de Gestion sont les partenaires avec lesquels co-créer et co-animer ce pilotage.

Pour affiner le budget et travailler sur des projections, il convient de définir les principes directeurs de la politique de rémunération d’une part. D’autre part, il faut que le budget reflète les choix assumés en termes d’organisation.

Enfin, selon le fameux credo “Tout ce qui se mesure s’améliore”, vous devez définir des indicateurs ou KPIs à piloter plus précisément.

Si nous dé-zoomons, au-delà de la masse salariale, la logique budgétaire s’applique à l’ensemble des dépenses RH (Conseil/Prestation, SIRH, développement RH…). Plus l’effectif augmente, plus il y aura de dépenses. Afin de maîtriser ces dépenses et en tant qu’acteur reconnu de la direction de votre entreprise, il est donc temps d’ajouter cette nouvelle corde à votre arc si ce n’était pas déjà le cas.

La Gestion des Ressources Humaines est une matière variée, riche, aux enjeux multiples. 

En fonction de votre contexte spécifique, il y aura probablement d’autres challenges à relever pour accompagner la croissance des effectifs. Mais si vous prenez le temps d’anticiper et de construire selon ces 6 premiers axes, vous éviterez la majorité des sorties de routes et des frustrations : vous réussirez le pilotage de votre activité tel Alain Prost au volant de sa Formule 1.

Article que j’ai rédigé en mon nom pour le site référence en ressources humaines culture-rh.com